Conception du miroir primaire
Après avoir fabriqué un télescope Newton de 250 mm diamètre avec un rapport d'ouverture de 6,1 mon choix se porte naturellement vers un diamètre plus important.
Le miroir fait donc 300 mm de diamètre avec un rapport d'ouverture de 3,7. Pour avoir déjà ébauché un miroir de 200 (inachevé d'ailleurs) et un de 250, je décide de laisser cette tâche pénible et ingrate au fournisseur de la matière première. Le perçage du trou au centre du miroir primaire est également réalisé par le fournisseur car cette opération est délicate.
Principe.
L'observation des surfaces planétaires nécessite une grande longueur focale pour des grossissements importants.
Le miroir secondaire, concave, a pour but de multiplier la focale du miroir primaire par 5 ou 6 portant ainsi la longueur focale résultante à 5,5 mètres ou à 6.5 mètres environ. A ce jour je ne suis pas encore fixé ce coeff. de grandissement.
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Principe de la combinaison Grégory
Je me trouve donc avec un disque de pyrex de 305 mm de diamètre, de 50 mm d'épaisseur, percé d'un trou au centre de 55 mm et ébauché à un rayon de courbure de 2,40 mètres environ.
Chanfrein du trou.
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Afin que l'arrête vive ne s'égraine pas par la suite il est important d'éffectuer un chanfrein. Comme le conseille le précurseur de la taille des miroirs par les amateurs, j'utilise une boule de pétanque et quelques centimètres cube d'abrasif carborundum C230 (10 minutes) et pour un grain plus fin je continue 5 minutes supplémentaire avec du C400.
Concernant le chanfrein sur le pourtour du disque, ce dernier était déjà fait par le fournisseur.
En revanche, la tranche est très granuleuse. Je souhaite tenter une technique de 'super-poli'et il y a un risque important d'accumulation de particules susceptibles de rayer la surface lors du polissage. Le miroir est collé sur le plateau du tour avec trois bout d'adhésif double face, vitesse de rotation la plus lente (3 tours 1/2 par minutes). Puis j'applique la ponceuse avec les bandes abrasives de granulométrie dégressives. Il est important que les deux rotations plateau/ponceuse soient en opposition. La technique s'avère très rapide.
Le but est d'obtenir un grain très fin pour faciliter le nettoyage du miroir.
En vous enregistrant sur ce groupe de discution (francophone), vous trouverez des expériences de polissage, de super-polissage d'amateurs et de professionnel de l'optique à usage astronomique.
Scellage de la 'carotte'.
Il faut continuer d'éroder la surface pour réduire la granulosité et se rapprocher le plus possible d'une surface sphérique.
Il est conseillé de replacer la carotte en la scellant avec du plâtre.
[1] La corde à piano facilitera l'extraction de la carotte plutard en tirant une extrémité avec une paire de pince.
[2] Couler du plâtre très liquide, j'utilise un plâtre très fin de moulage de rosaces utilisé dans la décoration.
Vibrer avec un bout de bois ou un manche en matière plastique. Les bulles d'air remontent à la surface pour laisser place au plâtre.
[3] Avant la prise complète du plâtre, laisser une réservation de 2 mm environ sur les 2 faces du disque.
Laisser sécher une bonne semaine...
Avec un vernis quelconque passer plusieurs couches dans ces sillons pour l'étanchéité.
Fabriquer l'outil pour réunir et doucir.
Cet outil (où vous trouverez ici une étude complète) va permettre de continuer le 'réunissage' des 2 surfaces jusqu'au 'doucissage' de la surface optique avant son polissage.
[4,5] Un moule à gateau permet de fabriquer le futur outil en plâtre ainsi coulé il épouse parfaitement la courbure du miroir. L'outil fait 50 mm d'épaisseur. Après une grosse semaine de séchage devant la cheminée, le plâtre doit sonner 'creux' lorsqu'on tape avec l'ongle.
[6,7,8] Il faut coller des carrés de carrelage en grès céram de 30 X 30 mm de côté espacés entre-eux de la largeur de votre dernière vieille brosse à dent (nettoyages énergiques après les changements de produits abrasifs)
Les carreaux sont fixés sur la surface convexe à l'aide de colle époxy. Le mélange des deux composants est effectué directement sur chaque carreaux. Appuyer fortement quelques secondes.
[9] Une fois recouvert à 70 pour cent, il faut passer plusieurs couches de vernis quelconque entre les carreaux pour le rendre étanche à l'humidité.
Le moule est enfin prêt à être placé sur la machine après 5 à 6 heures avec du carborundum C230, une dizaine d'heures au C400 et une bonne aprés-midi au microgrit 9 microns la surface commence à réfléchir la lumière sous une forte incidence... (visible sur la vignette [10])
Fabriquer l'outil pour polir.
Afin de réduire le risque de rabattement des bords lors du polissage, je décide de placer au plus près de la surface du miroir la crapaudine tenant l'outil. Le bord rabattu est ma hantise, lors de la taille des deux miroirs précédents j'ai rencontré ce problème difficile à corriger. D'ailleurs, il fut la cause de l'abandon de polissage de mon premier miroir : un 200 mm ouvert à 6.
Dans le cas présent, c'est-à-dire en polissant avec une machine, j'ignore les problèmes que je vais renconter mais je veux faire en sorte d'éviter celui-ci. Dans la littérature spécialisée (Surface optiques de Jean Paul Marioge) il est indiqué que le bras oscillant de la machine exerce un effort qui augmente vers les bords et diminue vers le centre. Une petite recherche sur 'Google recherche de livres' donne accès à certains passages forts interressantes de ce livre (consulter les pages 61-62)
[10,11] Afin de réduire ce "porte à faux", la rotule se trouvera désormais noyée dans le plâtre, à 30 mm environ de la surface à polir alors que lors du doucissage elle était à 80 mm.
[12] Il ne reste plus qu'à couler le plâtre. Et laisser sécher une grosse semaine...
[13]Je teste un moule fait en papier kraft, plié en accordéon.
Autrefois, j'utilisais des baguettes de hêtres entourées de papier d'aluminum clouées à bonne distance sur un bout de contreplaqué recouvert lui aussi de papier aluminium. Cette technique conseillée par Texereau est plus longue à mettre en oeuvre.
[14] J'ajoute la poix de l'outil précédent déjà bien chargé en RZ et opaline. Pour décoler sans éclats la vieille poix, je laisse l'outil dans le four thermostat 1 pendant 1/4 d'heure environ. L'outil est tiède. A l'aide du couteau de vitrier les carrés se décolent sans laisser de particules collantes partout.
[15] Cette poix est chauffée à feu très doux pendant 10 à 15 minutes. J'y ajoute une cuillère à soupe d'essence de térébenthine pour augmenter sa plasticité.
[16] Après un passage de 30 minutes au réfrigérateur, les bandes de poix se décollent aisément du papier kraft, un vieux couteau chauffé permet de découper des carrés de 40 mm de côté.
[17] & [18] Un à un, les carreaux sont collés sur l'outil à la chaleur de la flamme d'un briquet.
Une fois le miroir à température ambiante, ne pas oublier de couper la poix qui dépasse de l'outil avec le vieux couteau sur lequel on donne un coup sec avec le manche d'un tourne-vis en guise de petit maillet.
[19] Le futur miroir est plongé dans une bassine d'eau chaude (50 degrès environ) pendant 45 minutes environ.
[20] Cette dernière opération permet à la poix d'épouser la forme concave du miroir par pressage prolongé. Il est absolument indispensable d'interposer entre la poix et la surface du miroir du papier sulfurisé (ou papier calque, mais ce dernier est beaucoup plus cher sans être plus efficace).
Il faut surveiller souvent l'état d'avancement de ce pressage. Si le miroir est assez chaud l'opération ne dure que quelques minutes. Si les carreaux venaient à se toucher, le dégarnissage des sillons serait des plus laborieux !
Dans mon cas, le miroir était juste tiède, 3 heures de pressage ont été nécessaire.
Le début du polissage : la suppression du "gris".
Le "gris" est l'aspect d'un miroir bien douci, la surface de ce dernier est recouverte de façon uniforme d'une multitude de piqures extrêment petites que le polissage à pour but de supprimer.
C'est une étape longue et assez pénible lorsqu'elle est réalisée à la main.
A l'issue de trois heures de polissage, je ne peux m'empêcher d'observer la forme générale du miroir à l'appareil de Foucault. Le miroir est loin d'être suffisamment poli, mais réfléchit suffisamment de lumière pour connaitre la longueur focale de l'objectif avec un peu plus de précision.
Tout au long du polissage cette focale va varier de quelques millimètres, mais pour l'instant elle est de 1,11 mètre dans la région centrale du miroir et donc d'un rapport d'ouverture de 3,6.
Quant à l'état de surface, les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous. L'oxyde de Zircon (RZ) se dépose rapidement au fond de la bassine et le mélange projeté par la pompe d'aquarium est trop pauvre. La poix travaille quasiment à nue, la surface est très accidentée un tel état de surface est appelé "mamelonage".
La surface ne paraît pas lisse, elle ressemble à la surface d'un tôle que l'on aurait grossièrement marteléé. Attention ces défauts sont amplifiés des centaines de milliers de fois.
Face à l'impossibilité à la pompe d'aquarium de projeter un mélange eau/oxyde de zircon plus épais je reprends une méthode plus traditionnelle pour étaler l'agent polissant : régulièrement un trait sur la surface avec un pinceau ainsi, 1h30 de polissage suplémentaire réduit très sensiblement le mamelonage.
Cela mettra donc fin au projet de superpolissage.
De plus, le bord rabattu tant redouté pointe le bout de son nez !
13 heures de polissage seront nécessaire rendre la surface réfléchissante, mais subsiste une couronne sur le bord du miroir avec quelques piqures.
Depuis le remplacement du bras oscillant, 7 heures de polissage supplémentaires viennent à bout du bord rabattu.
Une photo du miroir avec le couteau de l'appareil de foucault en position intrafocale montre une frange bien droite.
La parabolisation peut débuter.
La parabolisation.
Les lois de l'optique indiquent qu'un tel miroir est totalement inutilisable.
La lumière venant de l'infini se propage en ligne droite.
Avec une telle concavité il faut plutôt avoir comme forme un paraboloïde de révolution et non une portion de sphère pour que tous les rayons réfléchis sur le miroir passent dans un tout petit cercle.
L'appareil de foucault permet de mesurer cela. Mais évidemment on ne peut pas disposer d'une source lumineuse à l'infini chez soi. Alors on place la source lumineuse au rayon de courbure du miroir. Les intersections des points lumineux en provenance du miroir vont s'étallés sur un segment d'environ 8 millimètres : ce segment à étudier s'appelle l'aberration longitudinale.
Ainsi, en plaçant devant le miroir en contrôle
un masque (écran de Couderc) avec des fenêtres symétriques on peut voir avec une très grande précision mais surtout mesurer où se croisent les rayons et de fait où il faut "enlever du verre".
Quand je dis "enlever du verre" c'est enlever quelques rangées de molécules de verre !
Après 3 scéances de parabolisation :
15 minutes de courses classiques, grandes courses, grands déports, miroir dessus.
8 minutes de outil dessus, grands déports --> surpression avec le bord de l'outil sur le centre du miroir
20 minutes à nouveau de courses classiques...voilà ce l'on peut voir derrière l'appareil de foucault.
Après 14 scéances des retouches d'environ 30 minutes chacune je ne parviens qu'à obtenir 50 pour cent de la longueur du segment d'aberration longitudinale idéale.
Pour en arriver à ce stade des courses normales de parabolisation " A I " ont été réalisée. Depuis 3 ou 4 scéances ces courses ne me permettent plus d'avancer...
(Figure provenant du livre de Mr J Texereau "La construction du telescope d'amateur ed 1961")
Les précieux conseils de Mr Grière ainsi que ceux de quelques opticiens amateur sur ce groupe de discution m'ont conseillé une autre marche à suivre : Garder le miroir dessus, excentré jusqu'au ras du trou central pour déprimer le centre. Les 28 scéances de parabolisation qui suivent ne durent en moyenne qu de 5 à 8 minutes chacunes et même beaucoup moins depuis les 10 dernières.
(Figure provenant du livre de Mr J Texereau "La construction du telescope d'amateur ed 1961")
Tous ces efforts m'ont permis de faire grimper les fameux "lambda sur l'onde" au delà du critère de Rayleigh (lambda/4 sur l'onde minimum) mais hélas ce n'est pas suffisant.
Tous les photons réfléchis sur la surface doivent passer dans un petit cercle (la tâche de diffraction) de 2,5 microns de rayon dans le cas présent. et là nous voyons bien que certain photons passent au delà, jusqu'à presque 2,5 fois la valeur idéale (le LF/RO max sur le graphique ci dessous). Ce dernier critère dit de "Couder" n'est pas respecté, il faut continuer le travail de retouches.
Ces deux profils, légèrement différents, me donnent l'idée de vérifier la présence d'un éventuel défaut d'astigmatisme. L'appareil de Foucault est modifié pour l'occasion en remplaçant le couteau par un fin fil monté sur un roulement ainsi qu'une fente tournante elle aussi monté sur roulement (roulement de roller).
La pratique du test est simple et très sensible. Il s'agit d'incliner la source lumineuse et le fil tendu à l'identique. On est vite au courant lorsque l'alignement est parfait : le contraste est très élevé.
Lors du test il faut obtenir des cercles parfaitement concentriques dans n'importe quelle position de l'alignement fente/fil. La position idéale du fil est de le placer à 70 pour cent du segment d'aberration longitudinale.
J'essaie une retouche avec un poids de 3 kg outil dessus, pour la régularité de la pression sur la zone 5. Le plateau inférieur fait 9 tours à raison de 3 RPM.
A partir de maintenant les mesures de référence sont les moyennes de deux séries de mesures de la zone 1 à 8 et de 8 à 1 sur deux axes orthogonaux.
Il est encourageant de voir que je m'approche de la valeur minimale du critère de Couder.
Dorénavant les retouches devront être conduitent de façon brêves et bien ciblées. J'envisage même de continuer les prochaines retouches à l'opaline.
ci dessous dernière retouche
Ci dessous, 8 à 10 minutes de courses de parabolisation miroir dessus sur Z3
Ci-dessous, 7 minutes de surpression sur Z6 Z7 outil chaud miroir dessous, puis 10 de parabolisation normale
Ci-dessous, 7 minutes du surpression sur l'inter-zone 5, 6
Ci-dessous 12 minutes de courses de parabolisation par le centre sans aller au delà de Hm5
Ci dessous, retouche avec outil 1/2 taille, miroir dessous, durant 12 minutes, le bord de l'outil ne va jamais au delà de hm 5 avec courses de parabolisation par le centre.
Ci-dessous, à l'aide de l'outil 1/2 taille je réitère les mêmes courses, un bref passage (une poignée de courses seulement !) de l'outil sur la périphérie du miroir augmente l'écart des deux dernières zones ! Cet écart devient critique. Egalement, l'outil 1/2 taille (ou une mauvaise maîtrise des courses ?) resserre les pointés des zones intérieures !
Il faut maintenant diminuer l'écart des deux dernières zones. Miroir dessous pendant 6 minutes, outil pleine taille, surpressions sur Z8 sans "déborder" du côté de la surpression. L'outil travaille efficacement à 80 e son pourtour.
Il faut se rendre à l'évidence, l'outil pleine taille et une température inférieure à 12 ° dans la pièce où je polis sont totalement incompatibles, j'en suis même venu à me demander si je n'allait pas abandonner le projet "Grégory" pour m'orienter plutôt vers un "Dall Kirkham" car je suis passé à deux doitgs d'une ellipse pas mal du tout.
Il temps de faire une longue pose et attendre des températures plus clémentes...
La reprise du polissage reprend donc au printemps avec un outil de 150 mm de diamètre seulement.
La progression va bon train et le miroir est terminé début juillet 2009. Certains opticiens amateurs étaient perplexes quant à l'utilisation d'un petit outil sur un primaire inférieur à 400 mm. Pourtant une tentative mi juin avec une poix molle sur l'outil pleine taille me faisait revenir sensiblement vers la sphère à nouveau.
Le petit outil s'est avéré efficace à 80 pour cent de sa circonférence. Autre point important, certains parviennent à effectuer des pressions sur certaines zones très régulières, ce n'est pas mon cas. J'ai du utiliser un poids que je positionnais systématiquement un peu en amont de la zone à "raboter". Si par exemple la zone 4 était trop haute, je plaçais le bord de l'outil sur la 5 et le poids (2kg environ) aussi. Mes doigts tenaient l'outil par la tranche pour obtenir le plus de régularité possible.
Il faut également faire très attention de repérer où l'on commence la retouche, et finir un peu avant ce repère de façon à ce que le même secteur ne soit pas "touché" deux fois ! Ce n'est pas une illusion, à plusieurs reprises j'ai pu en faire la douloureuse expérience, les chiffres étaient sans pitié et dans ce cas je pouvais avoir sur un axe de mesure des pentes presque 2 fois plus hautes que sur le second axe et me retrouver avec plusieurs lambdas de différence.
Ce n'est pas une optique exceptionnelle mais les critères de Couder et Rayleight sont dans les clous.
Avec "l'expérience" acquise au cours de cet exercice j'appréhende mieux le moment où je ne peux plus améliorer la surface. C'est ainsi que décide d'arrêter le polissage en obtenant sur deux axes ces deux profils :